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27 janvier 2019 7 27 /01 /janvier /2019 07:27

Chère Chantal,

Je viens de terminer ton livre enchanteur.

Tu fais « tenir » dans ta forêt un condensé du bestiaire de l’humanité doublé d’une galerie de portraits, anonymes ou célèbres, surgis du long fil de l’histoire, des récits mythiques ou de la littérature, Shakespeare comme Lovecraft. Tes Gens des arbres n’ont pas de gentilé commun. Ils accourent de tous pays, proviennent de toutes époques, de toutes cultures. Hommes et bêtes, réels ou imaginaires. Génies des bois, elfes, gnomes, troupes de sylvains, kobolds ; le hibou des fourrés comme le panda, le phoque comme la girafe ; une murène, un agouti, un éléphant…Tu convoques le grand Pan tout comme Peter, les fées et le minotaure, un ange et la reine de Saba, Néfertiti et Voltaire ;  l’inquiétant Cthulhu côtoie Arcimboldo, Lazare, Obéron ou un guerrier antique. Tu réunis les masques de deuilleur, de clown, de Venise, comme de Balouba du Congo.

La photo fixe attitudes et allures. Chaque être se donne dans sa physionomie du jour. De profil ou de face. Visage lumineux, fier ou hébété, faciès pétrifié ou en colère ; menton décidé, nez aquilin,  bouche hurlante, paupière ourlée, œil torve ou yeux vairons ; tombé des chevelures… Tu notes le grain de la peau, la qualité du pelage, la couleur des teints. Vert lichen, malachite ou cru, rouge bistre, gris nacré, rose poudré, jaune.

 Le texte glisse sous chaque image et fixe, à peu de mots, le détail qui révèle et individualise. De ces visages d’écorces, tout silence, tu dégorges les paroles, extrais les pensées, captes les intentions. 

Ces 87 êtres que tu as « levés », comme on dit lever une armée, composent un paysage sylvestre, étrange, inattendu.

*

Saisir l’existence de ces figures est faire, en quelque sorte, acte d’archéologie préventive, avant de laisser la nature opérer son  incessante altération. Pas aussi lente qu’on ne croit.

Roseline Giusti

Talence, janvier 2019

Chantal Detcherry, Gens des arbres, Editions Passiflore, 2018, 99 p., 87 illustrations.

 

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25 février 2014 2 25 /02 /février /2014 15:08

La Dépêche du midi

Publié le 02/02/2014

D’emblée, les œuvres de Léa-Meriem Saadane surprennent : force du dessin, monumentalité de certaines figures, expressivité, maîtrise de la couleur. Assurément, cette jeune artiste a du métier. L’humain est partout présent. Ici, on s’affaire autour d’un mouton qu’on vient de tuer. Là, c’est un camionneur qui se rafraîchit sommairement près de son véhicule. Des scènes de la vie ordinaire, peintes le plus souvent d’après photos, ont pour fonction de décaper le regard, émoussé par le poids de l’habitude. Ailleurs, des groupes de personnages prennent la pose. C’est le cas de sa toile représentant des Inuits en costume traditionnel. Si la peintre porte son regard sur la quotidienneté où on s’affaire, où on ploie l’échine, elle aime évoquer les usages séculaires des civilisations traditionnelles et de leurs coutumes, sorte de plots qui s’ancrent dans l’histoire des hommes et leur fournissent des repères. Techniquement, l’artiste aime jouer des frontières entre la peinture, à l’huile très fluide, et le dessin, des traits amples et maîtrisés. Elle aime aussi laisser affleurer le support de ses toiles, un tissu de lin au grain bis et épais, comme pour donner «une dimension supplémentaire à l’œuvre, une ouverture, une respiration», note très justement Isabelle Bernard, responsable du musée Larrey. Les aplats de blancs mats n’en ressortent que davantage.

Un travail très prometteur ! Douze toiles inédites, à voir absolument, du jeudi au dimanche, de 13 heures à 18 heures, jusqu’au 28 février.

Contact : 05.62.91.68.96.

Roseline Giusti

Léa-Meriem Saadane posant devant une de ses toiles./ Photo R. Giusti.

Léa-Meriem Saadane posant devant une de ses toiles./ Photo R. Giusti.

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