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12 septembre 2010 7 12 /09 /septembre /2010 21:24

Patrimoine
et design,
la méthode Nontron

 

Imaginées par une pensée fertile mais pragmatique, conduites
La commune périgourdine mène depuis plusieurs années un
programme de valorisation des métiers d’art, à la croisée des
savoir-faire et du design le plus contemporain. Émaillé de
rencontres fructueuses et d’une production originale, le parti
pris audacieux de Nontron est promis à un bel avenir.
> par Roseline Giusti-Wiedemann

 

On savait tonique le Périgord vert. Les actions en faveur du
patrimoine développées à Nontron viennent corroborer cette
réputation. Entre corps de métiers variés, entre savoirs et
savoir-faire spécifiques, le Pôle des métiers d’art, institution
originale de la ville, ne cesse d’établir des liens et d’exploiter
les différences selon un mode dynamique et fécond.
Les projets qui en sortent sont intelligents et sensibles.
La paternité en revient à l’artiste licière Sylvie Weber,
assistée un temps d’Herine Loussouarne, puis aujourd’hui
de Sophie Rolin, chargée de l’ensemble des expositions.
Des outils performants
Les actions sont réparties sur deux sites.
Inauguré le 30 juin 2007, l’Espace des métiers d’art est une
plate-forme technique, à l’usage des professionnels et des créateurs
invités en résidence. On y trouve des salles de travail
(studio de création, atelier des maquettes et prototypes), des
salles de réunion et des ateliers pédagogiques, destinés à
accueillir également des expositions expérimentales. Parmi
les projets à venir : l’édification d’oeuvres monumentales
spécialement conçues pour cet espace. En liaison avec le
cabinet d’architecture nontronnais b.i.p. (Bureau d’intervention
sur le paysage), des créateurs vont ainsi pousser aux limites
céramique, vitrail, tapisserie, tissage et mosaïque. Cet Espace
fait aussi office de bureau d’informations pour les professionnels
qui voudraient s’installer dans la région (renseignements
administratifs, contacts, recherche de locaux…)
L’Espace Paul Bert, lui, fonctionne depuis 1999. Outre une
boutique qui présente des réalisations à la vente, s’y déroulent
des expositions temporaires thématiques (quatre manifestations
par an) qui attestent bien de la particularité du
lieu. «D’une oeuvre à l’autre », par exemple, dans le cadre
de la manifestation annuelle «L’art en bandoulière», confrontait
pour la première fois en 2006, art contemporain et
métiers d’art. Ces derniers étaient invités à trouver leur inspiration
auprès d’oeuvres choisies dans deux artothèques.
En 2007, l’exposition «Dinanderie, lustres et brio», thématique
rarement traitée, confrontait des créateurs de toute
la France, artistes confirmés ou moins. La haute technicité
et l’inventivité des recherches de certains jeunes exposants
formés à Olivier de Serres1 ont fortement impressionné
leurs aînés pourtant plus avancés dans le métier. La même
année, «Aujourd’hui la tapisserie» a eu pour effet de faire
mieux connaître la catégorie de liciers créateurs, qui du carton
au tissage, réalisent l’oeuvre de bout en bout. Ainsi renforcé
dans son identité, ce groupe a pu se faire entendre aux
Rencontres de l’Ecole du Louvre qui avaient négligé cette
dimension du métier. Une nouvelle exposition s’en est suivie
à Aubusson2.
Des résidences, une philosophie pragmatique
Le projet le plus audacieux est certainement celui d’avoir
su marier métiers d’art et design.


1. École parisienne
formant aux Arts
décoratifs et au
design.
2. Ce projet
« leader +»,
réservé uniquement
aux femmes, a fait
l’objet de
financements
européens.
Recherches Faire et défaire
60 • le festin #65 •
• le festin #65 • 61

 

Faire et
défaire
Taillis céramique, création
Godefroy De Virieu.
cl. Bernard Dupuy
selon
un protocole
de fonctionnement
reposant sur des
convictions et des exigences, les résidences du
design à Nontron pourraient bien avoir commencé
à écrire leur histoire.
Un itinéraire riche, tissé d’échanges, d’enthousiasme, de
qualités humaines et de prises de risque. Deux sessions ont
déjà eu lieu, Matali Crasset a inauguré la première, Godefroy
de Virieu la seconde. La troisième est en cours avec Stephania
di Petrillo et, à l’évidence, les résultats sont là. Pourtant,
ce n’est pas banal d’engager dans une aventure commune
des professionnels des métiers d’art et des designers.
Alors, comment expliquer cette réussite?
En premier lieu une habile conception. Missionnée dès
1999, nous l’avons dit, pour l’ensemble du projet, Sylvie
Weber s’est appuyée sur sa propre expérience des résidences
(invitée en tant que licière) pour profiler avec justesse
le contour du projet nontronnais. Elle a bientôt formulé une
grammaire efficace et originale, mais souple d’utilisation,
pour mettre en dialogue des autochtones détenant des
savoirs et des techniques éprouvées et des invités apportant
diverses autres expériences. Elle a tout misé sur le choc
culturel. Autant sur la découverte par les designers des
techniques spécifiques locales comme par exemple le moulage
de l’étain ou le façonnage du châtaignier que sur la prise
de conscience de la part des corps de métiers locaux des
nouveaux horizons créatifs et commerciaux qui s’offraient
ainsi à eux. Elle a soigné la qualité de l’accueil. Non point
uniquement en terme de confort –Matali Crasset a logé chez
l’habitant (et sa simplicité a laissé un souvenir mémorable),
mais en développant les occasions de contacts, cherchant
aussi à faire connaître le résident au-delà du cercle des professionnels.
Les modalités de séjour ont été rendues flexibles.
Plutôt qu’une assignation à résidence de trois à six mois,
le temps de présence à Nontron peut être étalé sur l’année,
ce qui n’entrave pas les activités professionnelles de l’invité
et lui autorise un temps de réflexion plus long qu’il met à
profit. Le pôle insuffle sa
philosophie, les décisions
se prennent
ensemble, le travail se
fait en équipe, les échanges
sont équitables…
Pas d’obligation de
résultat non plus. Mais jusqu’à
présent tous sont arrivés à produire des
oeuvres belles et fortes, avec éditions à la clé. Le mobilier
du centre de documentation de l’Espace des Métiers d’art
est signé Matali Crasset. Les beaux objets en châtaigniers
de Godefroy de Virieu sont distribués avec succès par un
éditeur local. Et la table gigogne de Stéphania di Petrillo
est promise à un bel avenir.
Accorder de l’importance à l’humain, telle est la formule
de Sylvie Weber. «La résidence doit sa cohérence et sa réussite
à une combinaison de pragmatisme et d’exigences de
qualité, si l’un des critères prévaut, l’équilibre est menacé»,
affirme-t-elle. Il faut aussi rendre hommage aux professionnels,
particulièrement réactifs qui savent, à leur tour,
emboîter ce rythme de travail « syncopé», inhabituel pour
eux.
Quelle émotion, cette année, lorsque toute l’équipe a inauguré
la table de banquet de Stephania !+
62 • le festin #65 •
Arbre d’hiver,
création Godefroy de Virieu,
édition Enkidoo
(Cyril Delage).
cl. Bernard Dupuy
Recherches Faire et défaire
Pôle des Métiers d’art
Espace Paul Bert
Place Paul-Bert
T. 05 53 60 74 17
24 300 Nontron
QOù?
Brassée,
création Godefroy De Virieu,
édition Enkidoo (Cyril Delage).
• le festin #65 • 63
Mobilier de l’espace Métiers
d’art, design Matali Crasset.
Réalisé avec
Patrice Cibert, ébéniste ;
Théa de Lange, créatrice
textile et feutre ;
Philippe Villepontoux, ébéniste ;
Sylvie Weber, licière ;
Atelier Louis Martin, vitrail ;
Atelier Virginie Ecorce,
création châtaignier.
A Tavola !, design Stefania Di Petrillo.
Réalisé avec Alexander Hay ébéniste ; Vincent Armand, émailleur ; Kristiane Hink,
céramiste ; Les Étains du Périgord ; Boris Cappe, céramiste ; Frédérique Lafforgue,
tisserande ; la Coutellerie nontronnaise.
Dialogue entre l’oeuvre
de Marc Pataut, Marina
(artothèque du Limousin)
et la tapisserie
de Sylvie Weber, Regard.
cl. Bernard Dupuy
cl. Bernard DupuyPatrimoine

et design,
la méthode Nontron

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